Notre-Dame de Paris : une nouvelle étude révèle que la cathédrale a été édifiée avec du fer
Une étude lancée après l’incendie de 2019 par une équipe de chercheurs du chantier scientifique de la cathédrale montre l’usage massif d’agrafes de fer lors de sa construction dès les années 1160.
Notre-Dame de Paris est aussi « de fer », comme l’expose mercredi 15 mars une étude archéologique sur le bâtiment, dont l’incendie en 2019 a révélé le premier usage massif d’agrafes de fer pour la construction d’une cathédrale. Il aura fallu sa quasi-destruction et un chantier de restauration colossal, toujours en cours, pour que le monument commence à livrer les secrets de sa construction, entamée en 1160 et quasiment terminée près d’un siècle plus tard.
Elle est le bâtiment le plus haut construit à son époque, avec une voute culminant à 32 mètres, rappelle l’étude parue dans la revue PLOS de l’Académie des sciences américaine. « Finalement, on ne sait pas toujours très bien comment ça tient, et comment ses bâtisseurs ont fait, osé et réussi à porter des murs aussi fins à une telle hauteur« , explique à l’AFP l’archéologue Maxime L’Héritier, premier auteur de l’étude.
Faute de documentations, qui sont « vraiment très maigres (…), il n’y a que le monument qui puisse parler« , poursuit cet enseignant d’histoire médiévale à l’Université Paris-8. L’incendie du 15 avril 2019 a ainsi dévoilé, par la destruction, la contribution des agrafes de fer à l’édification du monument. Certaines sont apparues après que la charpente est partie en fumée. D’autres ont chuté quand la pierre a cédé sous la chaleur du brasier. Et le chantier de restauration a fourni une occasion inespérée aux chercheurs de mieux étudier le monument.
Des milliers d’agrafes
La cathédrale pourrait compter plus d’un millier d’agrafes, de tailles variables, allant d’environ 25 à 50 cm de long, pour un poids atteignant jusqu’à quelques kilos. Elles joignent les pierres de murs de la nef, de colonnes du chœur, de murs des tribunes ou des éléments de corniches. « C’est le premier usage vraiment massif du fer dans une cathédrale gothique, à des endroits bien spécifiques« , selon l’archéologue.
L’étude rappelle que l’usage d’agrafes était connu depuis l’Antiquité, comme au Colisée à Rome ou dans des temples grecs. Mais elles servaient alors à garder ajustés les grands blocs de pierre des étages inférieurs, avant de les charger d’étages supérieurs. Notre-Dame explore une conception « beaucoup plus dynamique de l’architecture, où on conçoit que des maçonneries peuvent bouger, et des forces s’exercer dans certaines directions« , explique Maxime L’Héritier.
Les premiers bâtisseurs de la cathédrale vont utiliser les agrafes dès le début pour l’édification des tribunes, au début des années 1160. Une innovation technique reprise par leurs successeurs quand ils s’attaqueront aux parties hautes des murs, dans une « filiation technique » s’étendant ainsi sur 50 à 60 années.
Déterminer l’origine du fer
L’usage d’agrafes à Notre-Dame sera répliqué ensuite dans la construction des cathédrales de Soissons (nord de la France), puis de Chartres et Bourges (centre nord et centre). Mais depuis lors, personne ne s’était vraiment penché sur leur rôle. Tout au plus, l’architecte Viollet-Le-Duc, qui restaure Notre-Dame au XIXe siècle, remarque-t-il l’utilisation d’agrafes dans les corniches.
Les spécialistes les voyaient bien dans les tribunes, mais ne savaient pas bien expliquer leur présence, faute de temps pour les examiner. Maxime L’Héritier cite l’exemple d’une grande historienne de l’art américaine qui « ne savait pas trop quoi en penser« . Le chantier de restauration de la cathédrale ouvre le livre de sa construction, avec environ 200 scientifiques à pied d’œuvre.
L’équipe menée par l’archéologue a pu ainsi analyser en détail la composition du fer des agrafes. Et déterminer par l’étude de ses impuretés qu’il provient d’au moins six endroits différents. Les scientifiques tentent d’en déterminer l’origine, afin de mieux connaître le marché de ce matériau à l’époque médiévale. D’autres suivent le même chemin pour déterminer les carrières d’origine des pierres. Tout comme ceux qui vont échantillonner les forêts à la recherche des mêmes éléments chimiques que ceux des bois de la charpente aujourd’hui carbonisée.